LES CAMPS DE BEYRIS

 

 

Cette conférence , sur un sujet inédit, porte sur un évènement quasi inconnu quoique tout proche de nous géographiquement ( Les camps de Beyris à Anglet) , et portant sur une période ( la guerre de 39 -45) qui a été vécue douloureusement..

Les histoires des Camps de GURS, d'Argeles ou d'autres plus douloureux encore ailleurs sont plus familières

 

Certes,  cette conférence sera un peu plus longue que d'habitude, mais nous ne pouvions résister au  plaisir d'entendre deux conférenciers qui se complèteront sur ce sujet

 

> Michèle DEGORCE, professeur certifiée d'histoire-géo

 

> Fabien THEOFILAKIS, historien, maître de conférence à Paris I Panthéon Sorbonne, spécialiste de la captivité en guerre mondiale.

 

 Le déroulement prévu

 

Madame DEGORCE présentera l'histoire oubliée du camp du Polo Beyris à Bayonne,- qui a accueilli successivement, de 1939 à 1947:

- des familles de réfugiés républicains espagnols.

- des soldats coloniaux prisonniers des Allemands, c'était alors le Frontstalag 222.

- des collaborateurs et trafiquants du marché noir, au temps de l'épuration.

- des prisonniers de guerre allemands, c'était alors le dépôt 189.

 

l'histoire de ce camp est reprise ci-dessous , après les photos

 

  

 Monsieur THEOFILAKIS   maître de conférences, histoire, Université de Paris 1 Panthéon Sorbonne  interviendra sur le thème:

 

"Des camps aux champs: les prisonniers de guerre allemands en France et en Gironde"

Il expliquera les défis qu'a représenté  une captivité de guerre en temps de paix, à l'échelle nationale comme dans la 18ème région militaire. A partir d'archives, de documents de l'autorité militaire, de la presse, mais aussi de témoignages d'anciens prisonniers, Fabien Théofilakis présentera le cadre dans

lequel s'est faite la descente des prisonniers aux villages.

 

M. Théophilakis sera accompagné d'un ancien prisonnier du camp de Beyris, qui nous donnera son ressenti.

 

Même si cette période est peu connue , il faut avoir à l'esprit que des prisonniers allemands sont venus travailler en Vallée d'ASPE

 

 

 

 

FABIEN THEOPHILAKIS

 

Germaniste, agrégé d’histoire et docteur en histoire contemporaine, nous a adressé un résumé de la conférence qu'il a tenue à Accous

 

 

 

Des camps aux champs : les prisonniers de guerre allemands en France et en Gironde

 

 

 

  A partir de l’été 1944 et la libération de l’Aquitaine, la 18e Région Militaire qui regroupe, jusqu’en novembre 1947, la Gironde, les Landes, les Basses-Pyrénées et les Hautes-Pyrénées, comme la partie littorale de la Charente-Maritime, reçoit des prisonniers de guerre allemands : elle en gère 157 100 en moyenne entre 1945 et 1948. L’Aquitaine se trouve alors dans une situation identique à celle du reste de la France : trouver les moyens de sa reconstruction économique et refermer la guerre franco-française… à quelques spécificités près toutefois, tant le minage obère la reprise économique, tant l’activité agricole fait de la main-d’œuvre une question centrale de la sortie de guerre, tant le vécu sous l’Occupation rend compliqué le solde de l’héritage politique.

 

Au-delà des variations d’effectifs, on peut distinguer quatre grandes phases dans la gestion de ces occupants devenus vaincus avant d’être utilisés comme main-d’œuvre captive :

 

1)     une phrase d’introduction qui court de fin 1944 jusqu’au 31 décembre 1945, date où la Région détient son plus grand nombre de prisonniers avec 32 437 captifs allemands. Cet afflux soudain de prisonniers entraîne la densification des structures d’enfermement avec la création de dépôts, structure administrative qui gère les captifs, comme le dépôt 189 dit « le Polo » à Bayonne-Beyris.

 

2)     un haut palier entre janvier et mai 1946 où les autorités militaires doivent entretenir un effectif moyen de 30 814 prisonniers. Cette masse entraîne la diversification des structures d’enfermement avec la création de milliers de kommandos ou détachements de travail, qui encadrent la sortie progressive de ces prisonniers oisifs devenus main-d’œuvre captive.

 

3)     vient ensuite un palier bas qui correspond sans doute aux besoins réels de l’économie locale : entre juin 1946 et octobre 1947, 17 248 soldats ennemis sont en moyenne détenus dans la 18e RM. La géographie de l’enfermement s’adapte avec la multiplication des kommando et des placements individuels des prisonniers chez des particuliers. En transformant le vaincu militaire en main-d’œuvre captive, cette géographie de la captivité en Aquitaine ne réduit pas seulement les moyens de surveillance de l’armée sur le traitement des captifs par les employeurs civils, mais fait de la présence des prisonniers allemands un élément du quotidien dans la plupart des villages. Les représentations réciproques évoluent, de nouveaux rapports s’installent selon une double logique permise par la libéralisation, le développement positif des relations interpersonnelles, ou bien au contraire, dans un nombre de cas moindre, l’exploitation de cette main-d’œuvre bon marché.

 

4)     enfin, jusqu’au 31 décembre 1948, le nombre de prisonniers dans la région diminue avec le rapatriement général. Les dépôts ferment, comme le 189 en 1947.

 

L’exposé a montré les avantages relatifs des deux grands types de structures – les camps aux mains de l’autorité militaire et les kommandos plus petits gérés par des maires ou des employeurs privés – selon cinq grands domaines d’observation : rations alimentaires et approvisionnement ; logement, couchage et hygiène ; situation vestimentaire ; discipline ; échanges postaux avec l’Allemagne. Si l’analyse des sources ne laissent voir aucune politique de représailles, en revanche elle montre combien les régimes de captivité sont fonction du nombre de captifs à nourrir, habiller et loger. Elle montre également qu’une tendance à l’amélioration se dessine jusqu’à assurer, en 1947, une couverture conventionnelle correcte aux prisonniers dans tous les domaines, excepté l’habillement, tant les autorités ne parviennent à rétablir une situation médiocre.

 

Fabien Théofilakis travaille depuis de longues années sur le sort des prisonniers allemands en mains françaises. C’est la version remaniée de sa thèse qui constitue son ouvrage : « Les prisonniers de guerre allemands. France, 1944-1949 » paru chez Fayard en 2014. Livre très documenté, et complété par des interviews d’anciens prisonniers.

   

Les prisonniers  de guerre allemands

   

Entre 1944 et 1948, presque 1 000 000 de prisonniers de guerre allemands sont détenus en France, d’abord dans des enceintes sauvages et des sites provisoires, puis dans des camps réguliers, enfin chez des particuliers.

  

Figures honnies de l’Occupation, ces soldats de Hitler deviennent, vaincus, un enjeu majeur de la sortie de guerre de l’Europe en pleine reconstruction. Les Allemands réclament leur libération, les Américains comptent sur eux lorsque la Grande Alliance cède la place à la guerre froide et le gouvernement français entend se servir de cette main-d’œuvre peu chère et docile pour effacer les traces de la défaite.

 

 De sa plongée au cœur des archives françaises, allemandes, suisses, américaines, britanniques, vaticanes, Fabien Théofilakis nous offre une connaissance renouvelée de la transition française de la guerre à la paix. A partir de documents inédits et de nombreux témoignages d’anciens prisonniers qu’il a recueillis, il rend compte de cette captivité oubliée. Il campe ainsi le face-à-face inversé entre vainqueurs et vaincus d’hier dans une France qui a du mal à surmonter les traumatismes de l’Occupation et de la collaboration. Il dévoile une cohabitation intime comme les petits entrelacs d’une vie quotidienne tendue entre Français et Allemands. Il interroge le lien ambigu de la société allemande sous le nazisme puis sous occupation française avec ses prisonniers jusqu’à leur rapatriement. Il resitue l’enjeu des prisonniers de guerre dans la redéfinition des relations entre Alliés. Ce travail magistral comble une lacune et propose une autre vision de l’immédiat après-guerre, celle du retour de la paix en Europe occidentale.

 

"Les prisonniers de guerre allemands - France, 1944-1949"

 

 

 

   Le camp du Polo Beyris à Bayonne                                  mars 2018

 

Le quartier Beyris disposait, au début du XXème siècle, d'un terrain de polo qui s'étendait sur plus de 8 hectares et qui appartenait à Etienne Balsan qui avait acquis d'autres terrains alentour. En 1937 Etienne Balsan revend le domaine du Polo à la ville de Bayonne. A l'époque le Maire souhaite y construire un lycée de jeunes filles et aménager un terrain de sport. Mais ce projet n'a pu se réaliser car les aléas de l'Histoire vont faire connaître à ce domaine municipal un destin bien éloigné de son objectif premier.

 

Les réfugiés espagnols, 1939. Début 1939. La chute de Barcelone entraîne la fuite d'un demi-million de républicains espagnols qui tentent de trouver refuge en France. C'est la Retirada. Mais la France est alors peu encline à accueillir de nouveaux «étrangers» sur son sol. Les hommes sont parqués dans des camps ouverts à la hâte. Femmes, enfants et vieillards sont acheminés par trains entiers et dispersés dans toute la France. A Bayonne les écuries du Polo sont réquisitionnées pour y entasser des centaines de ces réfugiés. Couchés à même la paille, dans le dénuement le plus complet, ils n'ont pas la possibilité de sortir hors de l'enceinte. Fin septembre 1939, le «Centre d'hébergement du Polo» ferme. Les 260 femmes et enfants qui s'y trouvent encore sont ramenés de force à la frontière espagnole.

 

Les prisonniers coloniaux, 1940-1944. Seconde Guerre mondiale. Au moment de la défaite de mai-juin 1940, un million et demi de soldats français sont fait prisonniers. Parmi eux, près de 100 000 soldats proviennent de l'empire colonial français: Maghreb, Afrique subsaharienne, Indochine, Madagascar, Antilles. Tous les prisonniers sont envoyés en Allemagne, dans des stalags. Très vite les autorités nazies décident de renvoyer en France tous les prisonniers coloniaux ou «noirs». Des camps vont alors être créés dans la zone occupée: les Frontstalags. A Bayonne le domaine municipal du Polo est réquisitionné par les Allemands  le 27 août 1940, et un camp d'une cinquantaine de grandes baraques en bois est rapidement édifié. Ce sera le Frontstalag 222 de Bayonne-Beyris d'où dépendront plus de 6000 prisonniers coloniaux répartis aussi dans des camps annexes et des kommandos de travail  formés depuis Hendaye jusque dans les Landes. Le Frontstalag 222 ferme le 23 août 1944, au départ des Allemands.

 

Le temps de l'épuration, 1944-1945. Le camp ne reste pas vide longtemps. Juste après la Libération c'est le temps de «l'épuration». Des centaines de collaborateurs, présumés ou avérés, et trafiquants du marché noir, sont arrêtés. D'abord incarcérés à la Maison Blanche de Biarritz, au Château-Neuf, ou à la Villa Chagrin de Bayonne, ils sont ensuite transférés au camp de Beyris qui ouvre le 18 septembre 1944. Ainsi près de 800 personnes (originaires de la région de Bayonne en majorité) passent par ce camp. Elles sont logées dans les baraques en bois de l'ancien Frontstalag, gardées par des FFI. Il s'agit, à la fois, d'un camp d'internement administratif, et d'un centre de triage en attendant un transfert devant l'autorité judiciaire, une assignation à résidence, ou une détention au camp de Gurs. Les derniers «détenus politiques et administratifs», comme on les désigne alors, sont transférés à Gurs le 20 avril 1945.

 

Les prisonniers allemands, 1945-1947. Dès la fin 1944 la partie nord du camp est réservée aux prisonniers de guerre allemands dont un groupe important de jeunes de moins de 17 ans. A partir de janvier 1945, 310 autres prisonniers allemands arrivent, en provenance de Gurs. Enfin à partir du 20 avril 1945, tous les prisonniers de guerre allemands de Gurs sont transférés au camp du Polo Beyris qui va désormais s'appeler «dépôt 189» et dépendre de la XVIIIème Région Militaire. Des milliers de prisonniers allemands vont passer par ce camp, répartis à leur tour dans des camps annexes et commandos de travail suivant les besoins. Beaucoup de ces prisonniers vont être affectés au déminage de la Côte, et au nettoyage du littoral atlantique encombré d'obstacles anti-débarquement posés par l'armée allemande. Le dépôt 189 ferme fin 1947.

 

 

Mais la Ville de Bayonne va mettre des années pour récupérer ce terrain et surtout le faire remettre en état. Ce n'est qu'en 1960 que peut enfin commencer la construction de logements collectifs et pavillons individuels sur ce vaste plateau jadis occupé par un camp.

 

Rien dans le quartier de Beyris ne rappelait ce qui s'était passé là entre 1939 et 1947, et les milliers de personnes qui ont été internées. La plupart des habitants de Bayonne et de la région ignoraient que ce camp avait existé.

 

C'est pourquoi quelques volontaires, à titre individuel, ou appartenant à différentes associations, et des habitants du quartier, ont décidé de former un  Collectif pour la Mémoire du Camp de Beyris début 2012. Un petit groupe de travail a entrepris des recherches aux Archives départementales de Pau et Bayonne, aux Archives Nationales, s'est procuré des rapports d'inspection des camps, consulté la presse locale de l'époque, et sollicité des témoignages. Des contacts ont été pris avec des universitaires, des chercheurs ou de simples passionnés d'histoire.

 

Dès 2013, une brochure intitulée «Derrière les barbelés de Beyris», publiée avec le soutien de la ville de Bayonne, a regroupé les premiers documents et témoignages récoltés.

 

Une exposition itinérante sur les quatre vies du camp a été réalisée, avec le soutien de l'UDAC (Union départementale des associations de combattants et victimes de guerre)

 

Une stèle dénommée «borne des 4 camps» a été installée à l'emplacement du camp, en décembre 2013, avec le soutien du Conseil Général, et un arbre souvenir a été planté à côté.

 

De nombreuses conférences et soirées-rencontres ont été organisées, avec la participation d'historiens et de témoins.

 

En février 2014 une stèle commémorative a été inaugurée au cimetière Louillot d'Anglet en mémoire des 51 soldats coloniaux prisonniers au Frontstalag 222 et décédés à l'hôpital militaire d'Anglet.

 

Et le 8 mai 2016 une plaque a été apposée sur le Monument aux Morts de Bayonne en mémoire de la centaine de prisonniers coloniaux décédés à Bayonne et déclarés «morts pour la France»

 

Le Collectif pour la Mémoire du Camp de Beyris n'a pas cessé de continuer ses recherches (un livre plus conséquent devrait paraître début 2019).

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