L'INVENTION DES PYRENEES PAR José CUBERO

L’INVENTION DES PYRENEES

Conférence de M. José CUBERO

 

Pour des montagnards, les Pyrénées sont là fières et immuables depuis.. toujours.

Mais vues de l’extérieur, elles n’ont pas toujours eu bonne image. M. Cubero nous a fait connaître l’évolution de la perception des Pyrénées depuis le 17ème  siècle

Ceci nous a été présenté a partir des lettres et textes écrits par les visiteurs à partir des visites de Mme de Maintenon, en charge de l’éducation des bâtards du Roi. Elle y est venue en cure à Barèges. Les eaux thermales des Pyrénées avaient très grande renommée, Marguerite de Navarre y allait en cure à Cauterets en 1445 !!

Il faut imaginer ce que pouvaient être les Pyrénées sans routes carrossables pour les voitures a cheval de l’époque, juste des chemins, des bâtisses rudimentaires. Il faut ajouter aussi qu’à cette époque gravir les montagnes et arriver aux sommets n’était pas une attirance forte.

Elle a vécu ces montagnes comme «  un lieu plus affreux que je ne puis vous le dire » A la même époque un autre visiteur écrivait : « Barèges est misérable et détestable lieu…..Tout y est sauvage à l’excès »

Un autre voyageur, l’abbé de Voisin écrivit depuis le Lac de Gaube : » on n’y trouve pas un oiseau… La nature paraît gémir de l’horreur qu’elle se fait à elle-même….. Tu es bien téméraire d’oser rire en ce lieu.»

A partir du 18ème  siècle, la vision des Pyrénées a commencé a changer. Il faut dire que jusque-là, les visiteurs faisaient essentiellement partie de l’aristocratie et de la riche bourgeoisie. La culture de l’époque faisait que le beau devait être droit, rectiligne, travaillé et que cette définition ne pouvait s’appliquer à nos montagnes,

A cette époque, d’autres influences se firent jour, suivant ainsi Rousseau , qui fit une large place à la nature dans ses écrit( La belle Héloïse) Il écrivait : «  La montagne apaise » ou encore «  L’homme est né bon, la ville le corrompt, la nature protège »

 

A ce moment-là apparait Raymond de Carbonnières. Le cardinal de Rohan l’envoya en exil à Barèges. . Il se passionne pour la montagne et il écrit «  Les observations faîtes dans les Pyrénées », ainsi que «  Voyage au Mont Perdu » La montagne commencera alors à devenir des sommets que l’on gravit, mais pour les étudier, mesurer, découvrir, et pas seulement pour le sport. «  Le spectacle de la montagne nous détourne de la cruauté de la vie »

L’évolution de la vision des Pyrénées évolua encore et commencèrent à se mêler montagne et sentiment. Cependant restait encore une limite fragile entre science et sentiments et récits de voyage

Ainsi, George Sand et Victor Hugo, de Bagnères et Cauterets commencèrent à gravir ces montagnes à cheval. Ils les trouvèrent abruptes, raides, avec des précipices dangereux, mais BELLES.
Georges Sand se sent en harmonie avec la montagne
Les Pyrénées ont marqué l’œuvre de Victor Hugo et il écrivit le poème DIEU.

 

A la fin du 19ème la perception des Pyrénées évolue encore. Les eaux thermales prennent leur essor. L’élément fort est l’arrivée du train dans les Pyrénées et Bagnères devient une station mondaine.
A ce moment-là les Pyrénées dont on parle sont celles des stations thermales, de Luchon à St Christau, que l’on appelle parfois l’Ile Pyrénéenne. Le reste des Pyrénées est pratiquement ignoré
Après les cures les voyageurs font des excursions, des routes se créent pour permettre de se déplacer à cheval ou voiture à cheval. «  Qui ne galope pas se déconsidère »
En même temps, Pau devient la ville climatique des Anglais, et Biarritz devient ville espagnole
Une autre nouveauté contribuera à faire connaître les Pyrénées, c’est l’arrivée des cartes postales

Parlant des Pyrénées il faut aussi aborder trois autre points

  • L’apparition du désir des sommets
    Au 19ème siècle le positif,  c’est le travail, le loisir c’est mal et inutile. L’on allait en montagne en présentant ces sorties comme de l’étude at non comme du loisir
    Et pourtant, a partir de 1850, on admettra que l’on peut aller en montagne pour le seul plaisir.

  • Quel pyrénéisme ??
    Il y avait les tenants d’un alpinisme de difficulté, comme l’ascension du Couloir de Gaube, avec 1300 marches taillées dans la glace

    Pour d’autres, le pyrénéisme pouvait être contemplation et loisir, comme le proposait Russel, marcheur infatigable, a écrit Les Pyrénées pour faire connaître cette vision des Pyrénées.

    Le tourisme dans les Pyrénées, s’est, au fil de 20ème siècle s’est très largement démocratisée avec des attraits nouveaux comme le ski.
    Aujourd’hui apparaît une autre préoccupation : c’est l’équilibre entre la préservation environnementale du milieu montagnard et les sociétés qui y vivent ou y vont


Gravure et dessins de Ramon de Carbonnieres

Madame de Maintenon

L’INVENTION DES PYRENEES

Ou quelle vision des Pyrénées ou cours des siècles,  au travers des textes

                   

 

Mme de Maintenon en 1675

« Un lieu plus affreux que je ne puis vous le dire »

 

Louvois

«  Si vous pouviez voir comme ce lieu est affreux, vous conviendrez qu’il n’est pas agréable d’y demeurer inutilement… Depuis que j’y suis, je n’ai vu aucun oiseau. Ils ont trop de bon sens pour s’y établir

A la même époque :

Barèges est misérable et détestable lieu, soit pour des abords et pour les issues, soit pour la situation, soit pour les bâtiments et pour les logements, soit pour les commodités et pour le vivre, soit enfin pour le peuple : Tout y est sauvage à l’excès…

L’Abbe de VOISIN

Lettre du Lac de Gaube,    à une amie

« On y voit des sapins et des ifs, de la verveine, et ce qui caractérise la demeure d’un magicien malfaisant ; on n’y trouve pas un oiseau, le silence n’est troublé que par la chute des neiges qui tombent du haut de ces montagnes avec un bruit épouvantable. La nature parait gémir de l’horreur qu’elle se fait à elle-même ; je croyais l’entendre me dire en paroles : » Pourquoi viens-tu m’offrir l’image de la gaité ? Tu es bien téméraire d’oser rire en ces lieux »

 

Un autre texte de 1825 :

Quand j’entrai dans les Pyrénées, écrit-elle, je les trouvai imposantes, gigantesques ; mon âme disposée à la tristesse, aux émotions pénibles, contempla avec un plaisir mélancolique la profondeur de ces abimes, le désordre de cette nature qui me semblait bien en accord avec celui de mes idées.

George Sand en 1840

Le lendemain, la fureur m’a prise d’aller revoir les Pyrénées. J’ai renvoyé mon escorte et j’ai été avec Solange jusqu’au Marboré, l’extrême frontière de la France. La neige et le brouillard, la pluie et les torrents ne nous ont laissé voir qu’à demi le but de notre voyage, un des sites les plus sauvages qu’il y ait au monde. Nous avons fait ce jour-là quinze lieues à cheval, Solange trottant comme un démon, narguant la pluie et trottant de tout son cœur, au bord de précipices épouvantables qui bordent la route. Nature d’aigle ! Le quatrième jour nous étions de retour à Nérac

 

Victor HUGO en 1843, à Cauterets

Ces chevaux de montagne sont admirables, patients, doux, obéissants, pleins d’instincts variés. Ils montent des escaliers et descendent des échelles. Ils vont sur le gazon, sur le granit, sur la glace. Ils côtoient le bord extrême des précipices. Ils marchent délicatement  et avec esprit, comme des chats. De vrais chevaux de gouttières.

Le mien était curieux et avait une originalité. Il semblait aimer les émotions. Il choisissait toujours pour y cheminer le petit bord de tous les abimes que nous rencontrions. Il avait l’air de dire : ce monsieur est un artiste, un amateur. Il faut lui faire tout bien voir. Ah ! Tu veux des torrents, parisien ! Tu veux des gaves, des cascades, des précipices ! Eh bien en voilà.  Tiens regarde, penche-toi, ici, et ici, et ici. En as-tu assez ?

Je trottais ainsi en surplomb sur des escarpements de huit cent pieds de profondeur avec un petit gave bleu et sombre en bas sous les yeux. J’essayai d’abord de lui faire prendre des directions moins pittoresques, mais il s’obstina, et quand je vis que c’était son goût, j’avais trop d’intérêt  à rester bien avec lui pour le contrarier, et je le laissai faire

 

DIEU : GAVARNIE  en 1891, poème de Victor HUGO

« une muraille ; elle est prodigieuse ; elle a
Dix mille pieds de haut et de largeur dix lieues.
Falaise, alluvion, dans les profondeurs bleues.
Ce haut boulevard monte, altier, froid, surprenant.
Et d’une mer à l’autre il barre un continent.
Vaste géométrie, on dirait que l’équerre,
Assise par assise, a fait le mont calcaire
et que, forgeant l’espace, on ne sait quels marteaux
L’un sur l’autre ont cloué ses plans horizontaux
L’escarpement à pic monte en bandes étroites
Ses couches s’allongeant fermes, égales, droites
Rides profondes, plis de ce front de la nuit.
Contre ce mur se heurte et flotte et roule et fuit
Ce que chaque saison pêle-mêle charrie

 

BAGNERES.   UN DELICIEUX SEJOUR ;   GUIDE AUX PYRENEES 1856

Et surtout, si vous passez lorsque la foule a déserté la nef antique de saint Vincent, à l’heure où les rayons de soleil s’adoucissent, ou les parfums du soir glissent dans une atmosphère suave et voluptueuse, à l’heure où un vent doux et frais invite à la promenade, allez aux COUSTOUS. Voilà un point de vue magique ! Il faut voir les belles parures parisiennes frôler  en passant le bizarre costume des Pyrénées ! Il faut voir nos élégants dandys des villes coudoyer le rude et pittoresque habitant des montagnes ! Ajoutez à tout cela un cercle admirable de maisons et des parterres, une place ravissante ornée d’arbres élevés qui déploient sur la tête des promeneurs leurs pavillons de verdure ! En face de vous, au sud-est, la vallée de Campan, cette vallée que vous trouverez belle, même après avoir vu Bagnères
Bagnères de Bigorre est la plus charmante vignette que l’on puisse placer au frontispice d’un voyage dans les Pyrénées. Je ne sais rien, en France, ni en Italie, qui donne une idée de ce délicieux séjour.

 

SAINT SAUVEUR, 1854,    VOYAGE AUX EAUX

Lorsqu’ils traversèrent la bourgade de St Sauveur, qui se compose de cinquante maisons au plus, ils s’étonnèrent de ne voir aucune personne élégante dans la rue ni aux fenêtres. Mais ils s’expliquèrent cette singularité en passant devant les fenêtres d’un rez-de-chaussée d’où partaient les sons faux d’un violon, d’un flageolet et d’un tympanon, instrument indigène qui tient du tambourin français et de la guitare espagnole. Le bruit et la poussière  apprirent  à nos voyageurs que le bal était commencé, et que ce qu’il y a de plus élégant parmi l’aristocratie de France, d’Espagne et d’Angleterre, réuni dans une salle modeste, aux murailles blanches décorées de guirlandes de buis et de serpolet, dansait au bruit du plus détestable charivari qui ait jamais déchiré des oreilles et marqué la mesure à faux.

 

VOYAGE AUX PYRENEES 1858 

AUX EAUX CHAUDES

 

Y a-t-il une chose ici qui ne soit d’accord avec le reste, et dont le soleil, le climat le sol ne rendent raison ? Ces gens sont poètes. Pour avoir inventé ces habits splendides, il faut qu’ils aient été amoureux de la lumière. Jamais le soleil du Nord n’eût inspiré cette fête de couleurs ; leur costume est en harmonie avec leur ciel. En Flandre ils auraient l’air de saltimbanques. ici, ils sont aussi beaux que leur pays. J’ai vu des gens rire de cette musique : «  l’air est monotone, disent-ils, contre toutes les règles, non terminé, ces notes sont fausses. » A Paris, soit ; ici, non. Avez-vous senti cette expression originale et sauvage ? Comme elle convient au paysage ? Cet air n’a pu naître que dans les montagnes : le froufrou du tambourin est comme la voix trainante du vent lorsqu’il longe les vallées étroites ; le son aigu du flageolet est comme le sifflement de la brise quand on l’écoute sur les cimes dépouillées ; la note finale est le cri de l’épervier qui plane.


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